LA CHAPELLE DU SAILLANT

Les vitraux de Chagall

La commune de Voutezac abrite une extraordinaire œuvre d'art.

La chapelle du Saillant est, en effet, l'une des rares chapelles dans le monde à être entièrement décorée par des vitraux du célèbre peintre Chagall(1).

La chapelle et ses vitraux ont une histoire...

La chapelle

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La construction de la première chapelle remonte sans doute au xiiie siècle où elle faisait partie du château. En subsistent les fondations et la fenêtre du chœur de style gothique rayonnant.
En 1620, une seconde chapelle fut édifiée sur les ruines de l'ancienne par Jean II de Lasteyrie, vicomte du Saillant.
Transformée en « vicairie » vers 1660, elle fut, après la Révolution qui lui fit subir bien des dommages, rattachée à l'église de Voutezac.
Elle connut, au cours du xxe siècle, plusieurs restaurations :
1949 : réfection de la façade et de la petite place
1955 : électrification des cloches
1973 : réfection de la toiture
1978: restauration des murs intérieurs ; mise en valeur de l'autel de pierre et des plus belles statues dont la très jolie Vierge de Lorette en bois polychrome, offerte par Peyronnelle de Roffignac, mère de Jean II de Lasteyrie. Sculptée en 1547 dans un seul tronc d'arbre, elle est le témoignage émouvant d'une époque où la foi se mêlait à la vie, où l'offrande d'une image était une prière pour toujours.


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La Vierge de Lorette

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La Pietà au-dessus du portail d'entrée

La rencontre

Cette chapelle de village dans sa simplicité naïve a inspiré Chagall. Mais il fallait une « rencontre » : Guy de Lasteyrie du Saillant fut l'artisan de cette rencontre. Il alla trouver le peintre... et le miracle se produisit.

Chagall comprit, sans se déplacer, qu'il pouvait exprimer ici « la Lumière du Paradis ».

Le peintre, guidé par les plans, les descriptions, les photos apportées par Guy et Isabelle de Lasteyrie, exécuta dessins et esquisses avant de fournir une maquette définissant les couleurs, les formes, le rythme des ombres et de la lumière.

Vint enfin le carton à grandeur d'exécution déterminant le tracé des plombs, la découpe des verres, leur valeur colorée : verres plaqués, verres antiques, soufflés à la bouche, mordus à l'acide, etc. « Allant du trait noir au lavis le plus léger, Chagall fixait l'intensité colorée de chaque verre et en modifiait la translucidité ».

Tout ce travail fut exécuté à Reims, chez le Maître Verrier Charles Marcq, dans l'atelier Simon, entre 1979 et 1981.

Le message des vitraux

En ce modeste lieu offert à la gloire de Jésus, Chagall a signé dans la pierre, avec une sobriété inégalée, son ultime message spirituel.
Libérant son rêve, l'artiste a fait naître dans la transparence du vitrail une harmonie de formes et de couleurs dont le sens symbolique invite à la méditation.

Le vitrail d'autel éclaire le chevet de la nef et découpe sa forme gothique sur le mur dépouillé :
bleus intenses : vibration des âmes dans l'harmonie divine.
rouge profond et sanglant : l'argile où fut pétri le corps humain.
vert naissant : le paradis des amours premières.
rayon jaune : flamme et fulgurance de l'Esprit-Saint.


Chagall évoque ici l'ordre primordial. Il fixe dans les plombs le monde sacré des origines.
Dans le trèfle d'ogive, l'équation colorée de la pensée divine : elle porte la rêverie de ce monde idéal, où la colombe protège l'espace, où l'amour du couple abolit le temps.
Au sommet de la création, l'esquisse minuscule de deux visages unis émerge dans l'éternité.

L'oculus du portail glorifie le sanctuaire dans un éclatement de couleurs en bouquets. Ils furent exécutés en coupes de verre très fines, assemblées en joyaux comme des pierres précieuses. Offrandes d'amour. Ces deux bouquets champêtres libèrent la force et la fraîcheur rutilante de la vie. Le coq y salue le soleil dans un ciel dont les bleus échangent avec ceux du vitrail d'autel de mystérieuses correspondances.
Ici le matin du jour répond au Matin du Monde.

Les vitraux de la nef opposent, sur le mur nu, leur humble transparence à !a symphonie colorée. Leur simplicité étonne au premier regard. Il faut les « lire ».
En grisaille, rehaussés de jaune et d'argent, dans la pure tradition des vitraux français des xve et xvie siècles, ils font pénétrer dans le sanctuaire la lumière du monde extérieur.

Ces quatre vitraux du « Cycle de la Nef » consacrent à la divinité les travaux des hommes à travers la permanence du temps : la Moisson qui donne le pain, la Vendange qui donne le vin, le Pâturage qui nourrit l'agneau et la Pêche où l'homme remplit ses filets.

Le sens évangélique de ces thèmes ne peut passer inaperçu : le pain, corps du Christ ; le vin, sang du Christ ; l'agneau, sacrifice du Christ ; le poisson, symbole historique du baptême chrétien.

En sanctifiant l'effort humain à travers la symbolique chrétienne, Chagall, nourri de culture hébraïque, élève son message à l'Amour universel.
Dans ce modeste sanctuaire, caché comme un trésor au cœur de notre campagne de Corrèze, l'artiste au cœur simple dit sa dernière parole.
Sentant que pour lui « la nuit est venue » qu'il « fermera ses yeux avant le jour », il appelle les hommes à « reconstruire leur monde dans des couleurs d'amour et d'espoir », à rassembler leurs âmes dans la Foi fraternelle, celle qui s'élève au-dessus des religions, pour rejoindre en sa vérité Celui qui créa la Lumière.
  • Note :
  • (1) Marc Chagall est né en 1887 à Liozna, près de Vitebsk en Biélorussie (intégrée à l'empire russe à l'époque). Il est décédé en 1985 à Saint-Paul-de-Vence.
    Ses vitraux les plus connus sont ceux de la synagogue d'Hadassah à Jérusalem, ceux de l'église du Fraumünster de Zurich et de l'église Saint-Étienne de Mayence, des cathédrales de Chichester, de Metz, de Reims, du Art Institute de Chicago et du Musée Chagall de Nice ainsi que de quelques chapelles à travers le monde dont celle du Saillant de Voutezac.
Nota : la DRAC du Limousin a publié en septembre 2010 une très intéressante plaquette consacrée aux vitraux de la chapelle du Saillant. Elle est disponible ici.

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