L'ÉGLISE DE VOUTEZAC


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Motif décoratif d'inspiration romane retrouvé autour d'un vitrail du chœur


Des origines à nos jours

La fondation

Le Christianisme se répandit lentement en Limousin qui ne fut vraiment évangélisé qu'à la fin du vie siècle. C'est l'époque où les églises commencèrent à apparaître en milieu rural. Elles étaient en général fondées par le seigneur du lieu près de son château. Il en était propriétaire et désignait un officiant laïc, quelquefois même marié, qui se rendait au monastère de tutelle pour y apprendre la liturgie. Le seigneur partageait alors avec les moines les bénéfices du culte laissant à l'officiant quelques miettes pour subsister.

Ce fut différent à Voutezac.

Les évêques, propriétaires de l'église qu'ils avaient fondée, désignaient eux-mêmes les desservants qui étaient des clercs et non des laïcs.

On peut penser que notre église, une des plus anciennes du diocèse de Limoges, érigée en église paroissiale, devint un pôle de chrétienté important en Limousin dès le Haut Moyen Âge.

La paroisse de Voutezac, couvrant alors 2 733 hectares de bonne terre à vin à revenu fiscal élevé, correspondait sans doute à une ancienne division administrative gallo-romaine, l'ager ecclesiae (le territoire de l'église), dont les évêques auraient pris possession dès le début de l'évangélisation de notre région.

Certes, l'autorité des évêques pesa au cours des siècles sur la population, mais elle fut aussi bénéfique à l'église qui reçut à différentes époques des legs pour son ornementation, le premier connu étant celui de l'évêque Aymeric de Serre en 1264 : 20 livres pour Voutezac, 25 livres pour Allassac.

Le bâtiment

On peut penser que notre église, de fondation épiscopale, posséda dès l'origine des murs de pierre, alors que les églises rurales, dans leur majorité, restèrent bâties en bois jusqu'à la fin du xe siècle.

Aux xe et xie siècles, lorsque les redoutables invasions normandes terrifiaient les populations, l'église, solide, habitée par Dieu, était un lieu idéal de protection.

C'est vraisemblablement à cette époque que les évêques firent élever des murailles autour du bâtiment et des maisons environnantes.

Le Bourg, avec son clocher donjon, devint ainsi une petite forteresse dont le caractère défensif s'affirma au cours des siècles.

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Façade de l'église

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Arrière de l'église

Les saints patrons

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Saint Christophe

L'église est dédiée à Saint Christophe.
Ce saint fut, dit-on, martyrisé en Orient au iiie siècle. Son culte se répandit en Occident au ve siècle où ses reliques furent alors distribuées aux églises naissantes (l'église de Voutezac en possède une).

La paroisse est patronnée par Saint Jacques. Le corps de cet apôtre du Christ fut découvert, dit-on, au ixe siècle en Espagne, miraculeusement conservé. Son culte se répandit en Limousin vraisemblablement au xe siècle, jetant dès lors les pèlerins sur les routes de Compostelle.

La paroisse de Voutezac fut placée sous le patronage de ce saint, soit parce que c'était, en quelque sorte, la mode, soit parce que les « Jacquiers » y faisaient étape. Saint Christophe et Saint Jacques figurent tous deux sur le retable édifié au xviie siècle, en grandes statues de bois polychrome, le premier portant Jésus enfant sur son épaule, conformément à sa légende, le second représenté de façon conventionnelle en pèlerin de Compostelle, portant le chapeau, le bourdon, la gourde, et les coquilles en pectoral.

Ainsi, ces deux saints invoqués par les voyageurs, ont superposé leurs cultes et confondu leurs fêtes votives (21 et 25 juillet) en l'église de Voutezac.


Saint Jacques










L'ornementation

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C'est à la fin du xie siècle et au début du xiie que l'on vit sculptures et peintures entrer dans la décoration des lieux de culte, même modestes. En effet la richesse s'était développée dans les campagnes grâce à l'amélioration des techniques agricoles.

La peur de l'an mil, d'autre part, agitait les esprits, particulièrement ceux des Grands qui, pour assurer le salut de leur âme, firent reconstruire les églises plus belles selon le chroniqueur Raoul Glaber.

Ces peintures ou ces fresques, témoignages d'une foi fervente, ont été enfouies au cours des siècles sous des couches d'enduits successifs.

Elles ont laissé des traces d'époques différentes que cherchent à retrouver et à reproduire aujourd'hui les spécialistes chargés de la restauration du patrimoine.











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Les chapelles de l'église

Rappel historique

Les historiens pensent aujourd'hui que l'église Saint Christophe de Voutezac est une des plus anciennes du diocèse de Limoges. Elle aurait implanté sa vaste nef au sommet de l'éminence rocheuse dès les premiers temps de l'évangélisation des campagnes en Limousin (ve et vie siècles).

C'est à l'époque féodale (xe - xie siècles) que les évêques de Limoges, fortifiant leur châtellenie contre les pillages des Normands et les convoitises des Seigneurs, firent sans doute ajouter à la nef son fameux clocher donjon. L'église, intégrée dès lors au castrum, en assuma la vocation défensive et fut maintes fois, au cours des siècles, attaquée, endommagée, incendiée et reconstruite.

Au xive siècle, elle subit, comme l'ensemble de la forteresse, l'assaut des troupes anglaises qui la laissèrent, en 1378, en piteux état.

Au xvie siècle, à la fin des guerres de religion, les derniers soldats de l'armée protestante de Turenne, retranchés dans la forteresse de Voutezac, mirent le feu au clocher avant de capituler.

En 1588, le château fut rasé et l'église, à demi calcinée, resta longtemps à l'état de ruine.

Au xviie siècle, le catholicisme renaissant voulut reconstruire et décorer ses églises.

À Voutezac, dans le but de trouver l'argent nécessaire à cette entreprise, le curé Dumond, vicaire de l'époque, concéda des « droits de tombeau »(1), octroya des « droits de banc » et surtout des « droits de chapelle ».

C'est en 1673, selon l'abbé Echamel, que furent fondées, à Voutezac, les deux chapelles flanquant les bas-côtés de la nef :

  • la famille Du Saillant fonda la chapelle Saint Joseph (qui fut d'abord dédiée à Saint Eutrope)
  • la famille Dufaure fonda la chapelle de la Vierge

Ces chapelles s'élevèrent-elles sur des bases anciennes ? On sait que les premiers droits de chapelle concédés aux laïcs datent des xive et xve siècles.

Les familles fondatrices devaient assurer l'entretien des chapelles, pouvaient y pratiquer le culte et s'y faire inhumer. Elles étaient, pour ainsi dire, « chez elles » et entraient par leur propre porte.

C'est à cette même époque que fut édifié le beau retable décorant le chevet de la nef, attribué aux frères Duhamel. On peut imaginer qu'à la fin de ce siècle, l'église de Voutezac rayonnait d'ors et de couleurs.

La Révolution fit subir à l'église de graves dommages qui, ajoutés aux outrages du temps, rendirent sa fréquentation dangereuse. En 1806, elle fut interdite de culte et il fallut attendre 1818 pour que l'autorisation de restauration puisse être votée par le Conseil Municipal.

Au xxe siècle, le temps ayant encore une fois accompli son œuvre de destruction, on vit les murs se lézarder et les toitures laisser passer l'eau. Le retable lui-même était détérioré et les voûtes des chapelles s'effondraient.

En 1981, les Monuments Historiques rendirent son éclat primitif au retable.

En 1987 et 1993, le Conseil Municipal, sous la magistrature de Raymond Vigne, vota à la quasi unanimité un plan de restauration complète, financé en partie par le Conseil Général de Corrèze. Ce projet est aujourd'hui réalisé.

Restaurée par la République, notre église a - presque - retrouvé en l'an 2000 la splendeur qu'elle possédait sous le règne du Roi Soleil.

  • Note :
  • (1) droit de tombeau : en 1673, Guillaume Deshors, Seigneur de l'Espinasserie, acquit moyennant 60 livres « deux places à perpétuité, pour lui et les siens, du côté de l'Évangile, au dessus de la Chapelle de Monsieur Du Saillant, sous la balustre qui clôt le sanctuaire. »
    Tous ces droits seront abolis par la Révolution. Ils seront cependant concédés à nouveau par les lois de Germinal an X et de Floréal an XI pour faire face aux énormes dépenses exigées par la restauration.
    Sources : « Histoire de la paroisse de Voutezac » (Abbé Marius Échamel - 1912)

La restauration des chapelles

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  • Les deux chapelles sont identiques, à double travée, aux voûtes à nervures prismatiques, caractéristiques du style ogival finissant.

    Les deux retables rappelaient sans doute, en modèle réduit, la facture du retable du maître-autel.

    Il ne reste plus, aujourd'hui, que celui de la chapelle Saint Joseph, plein de grâce et de charme, qui mériterait, lui aussi, une restauration. La Chapelle de la Vierge, au contraire, fut dotée, au xixe siècle, par la famille De Génis, d'un retable « gothique » en bois sombre qui a malheureusement rompu l'unité décorative de l'ensemble du sanctuaire.

  • Les sondages effectués par micro décapage des couches d'enduit sur les plafonds des voûtes ont révélé la présence de décors en forme de frises à fleurs stylisées.

    Les fragments de ces décors n'ont pas toujours été complétés par les restaurateurs, ce qui étonne, lorsqu'on sait que ces motifs, clairement identifiés, pouvaient être prolongés et rendre aux quatre voûtes leur véritable aspect.

  • Les sondages ont également révélé, sur les murs, la présence de « litres funéraires »(1) ornées des blasons des seigneurs de Voutezac.


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Les blasons des seigneurs de Voutezac

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blason 1


blason 2

blason 3
  • Sur le blason 1, on reconnaît certains « meubles »(2) représentatifs de la famille Du Saillant, « de sable(3) à l'aigle d'or », armoiries des De Lasteyrie, et « lambel de gueules(3) » signifiant la brisure de la branche cadette. La couronne surmontant ce blason semble une couronne de vicomte.

  • Sur le blason 2, on reconnaît aussi les armes des De Lasteyrie et d'autres motifs représentatifs de familles alliées. Au milieu du blason, posé au point d'intersection des quartiers(4), on distingue nettement un écusson d'or. Dans le 4ème quartier, apparaissent cinq « burelles »(5).

  • Sur le blason 3, on reconnaît les armes d'une famille alliée aux Dufaure : les deux épées « versées » des De Sahuguet encadrant la lune et le croissant.
    On distingue nettement un arbre dans le 3ème quartier, sans doute un chêne dit « arraché » car il a des racines.

Deux autres blasons ornent les litres funéraires dont le premier est très semblable au blason 3 ci-dessus mais en beaucoup plus mauvais état.

Tous ces décors avaient été extrêmement endommagés par l'humidité. Les restaurateurs ont ravivé leurs couleurs et en ont fixé les pigments, empêchant ainsi pour l'avenir de nouvelles dégradations.

  • Notes :
  • (1) litre funéraire : bande noire, parfois agrémentée d'armoiries, que l'on peignait sur les murs des chapelles à l'occasion des funérailles d'un seigneur
  • (2) meubles : objets, végétaux ou animaux figurés sur le blason
  • (3) en héraldique, « sable » désigne la couleur noire, « gueules » la couleur rouge, « sinople » la couleur verte, « azur » la couleur bleue
  • (4) quartiers : un écu « écartelé » est divisé en 4 quartiers par le fait de la multiplication des alliances. Il porte dans le 1er quartier les armes primordiales de la famille
  • (5) burelles : bandes horizontales en forme de rayure
    Sources : « La Clef du Blason » (Labarre de Raillicourt - 1966)

 

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